Bonnes pratiques juridiques Covid-19  Publié le 04/06/2020

Refus de reprise du travail sur site par un salarié inquiet

Un de vos salariés refuse de reprendre le travail sur site, car il est inquiet pour sa santé et craint d’être contaminé par le virus. Que faire ?

Plusieurs questions se posent :

  • Le salarié peut-il télétravailler ?
  • Le salarié est-il en droit de refuser de venir travailler dans l’entreprise ?
  • L’employeur a-t-il des moyens de l’obliger à revenir travailler ?

1 – L’employeur doit privilégier le télétravail


Si le salarié est en mesure d’effectuer son travail en télétravail, l’employeur doit privilégier le travail à distance, dès que cela est possible et le plus longtemps possible, afin de limiter le recours aux transports publics et, plus globalement, les contacts. Le premier ministre l’a redemandé avec insistance aux entreprises lors de la présentation du plan de déconfinement à l’Assemblée nationale, le 28 avril.

Le salarié, en revanche, ne peut pas imposer le télétravail à son employeur. Il peut, néanmoins, lui demander, s’il revient travailler, certaines garanties car l’employeur a une obligation de sécurité et de santé vis à vis de ses salariés, renforcée pendant cette épidémie, et sa responsabilité pénale peut être engagée en cas de contamination.

2 – Le salarié peut-il refuser de revenir travailler sur site depuis le 11 mai ?


Oui , dans certains cas, quand le télétravail n’est pas possible, le salarié est légitime à refuser de reprendre le travail y compris après le 11 mai.

Le salarié est une personne vulnérable ou vit avec une personne vulnérable
Sont identifiées comme salariés « vulnérables » au Covid-19, c’est-à-dire présentant un risque de développer une forme grave d’infection à ce virus :

  • les salariés de 65 ans et plus ;
  • les femmes enceintes au troisième trimestre de leur grossesse ;
  • les salariés ayant des antécédents cardiovasculaires, d’AVC, de coronaropathie, de chirurgie, de chirurgie cardiaque ou insuffisance cardiaque, diabète ;
  • les salariés atteints d’un cancer évolutif ou présentant une obésité, une pathologie chronique, une insuffisance rénale chronique dialysée, ou une immunodépression.

Pour tous ces salariés vulnérables ainsi que ceux qui cohabitent avec eux, l’employeur ne peut pas refuser leur maintien en chômage partiel après le 11 mai dès lors qu’ils présentent un certificat d’isolement établi par un médecin de ville ou le médecin du travail.

Les parents d’enfants d’âge scolaire
Les parents bénéficiant d’un arrêt de travail dérogatoire pour garde d’enfant ont basculé sur le régime de l’activité partielle depuis le 1er mai.

La loi de finance rectificative pour 2020 prévoit que ces parents salariés placés en position d’activité partielle au 1er mai, pourront bénéficier de ce dispositif pour toute la durée de maintien à domicile de leur enfant et jusqu’à ce que leurs enfants retournent à l’école (loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finance rectificative pour 2020, article 20). Il en était ainsi jusqu’au 31 mai, même si l’établissement scolaire de l’enfant avait rouvert, puisque le retour à l’école se faisait « sur la base du volontariat ».

Cependant, depuis le 2 juin, des règles plus strictes ont été mises en place : les parents ne peuvent plus bénéficier du chômage partiel que dans la mesure où ils peuvent produire une « attestation de fermeture » délivrée par l’établissement scolaire de leurs enfants.

3 – L’employeur peut-il obliger le salarié à revenir travailler sur site ?


Si le salarié n’appartient pas aux deux catégories de salariés précédentes, et que son travail ne peut pas s’exercer à distance, rien ne s’oppose à ce qu’il reprenne le travail sur site et l’employeur peut l’obliger à revenir travailler depuis le début du déconfinement sans avoir à s’en justifier.

Si l’employeur avait placé ses salariés en activité partielle pour baisse d’activité et que l’activité reprend, même partiellement, l’employeur peut tout à fait lever la mesure d’activité partielle et leur demander de retourner au travail, à temps plein ou temps partiel, si l’activité ne peut pas s’effectuer en télétravail et sous réserve de respecter les conditions sanitaires de protection contre le coronavirus.

Cependant, même si le télétravail est possible et reste la norme, l’employeur peut légalement obliger les salariés à retourner travailler s’il estime que leur présence sur le lieu de travail est indispensable au bon fonctionnement de l’activité. L’employeur devra prouver la nécessité de faire revenir les « télétravailleurs » au sein de l’entreprise et devra rapporter la preuve matérielle, objective et vérifiable de cette nécessité.

Exemple

L’employeur peut prouver la nécessité de faire revenir du télétravail leurs collaborateurs dans l’entreprise en montrant que leur présence est nécessaire à la poursuite de certaines tâches ou missions, que les tâches demandées ne peuvent pas se dérouler à distance en raison du manque d’autonomie du salarié ou que le télétravail n’a pas permis au salarié d’accomplir l’intégralité des tâches prévues dans son contrat.

En parallèle, l’employeur doit mettre en place toutes les mesures de prévention pour accompagner les salariés dans la reprise de leur travail, protéger au mieux leur santé et leur sécurité et justifier que les mesures prises sont suffisantes dans le cadre de la pandémie.

La faculté de l’employeur à obliger le salarié à revenir travailler dépend de la mise en œuvre ou pas de son obligation de sécurité.

Si l’employeur n’a pas pris toutes les dispositions sanitaires pour assurer la sécurité et la santé du salarié
Le salarié peut alors exercer son droit de retrait et refuser de revenir travailler si deux conditions lui semblent réunies :

  • la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ;
  • il constate une défectuosité dans les systèmes de protection.

Ce droit lui permet de rester chez lui tout en étant payé. L’employeur ne peut pas empêcher le salarié d’exercer son droit de retrait.

Si l’employeur a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé du salarié
Si l’employeur a respecté son obligation de sécurité et a mis à sa disposition toutes les protections nécessaires (masques, gants, gel hydroalcoolique, etc.), le salarié ne peut pas invoquer de danger imminent ni exercer son droit de retrait. S’il le fait, son droit de retrait pourrait être jugé illégitime par les juges prud’homaux et son refus de revenir au travail pourrait s’analyser alors en un abandon de poste pouvant justifier une rupture du contrat, au tort du salarié.

Par conséquent, quelle position l’employeur peut-il adopter si le salarié ne se présente pas à son travail ?

Il peut prendre acte de l’absence du salarié, qui ne se présente pas sur le lieu de travail sans avoir justifié son absence, en lui adressant un courrier RAR indiquant :

  • que l’entreprise a mis en œuvre toutes les mesures barrières (description de l’ensemble des mesures prises) et, qu’en conséquence, elle est en règle avec les recommandations données ;
  • que le télétravail ne peut pas être mis en œuvre pour le poste en question ;
  • que le salarié est fortement incité à reprendre son activité.

Si malgré ce courrier, le salarié refuse toujours de revenir à son travail, et à défaut de justification, l’absence pourra être assimilée à une absence injustifiée et l’expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute.

Auteur : Laurence Ruaux (juriste en droit social)



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