Retours d'expérience RH  Publié le 26/11/2020

Salariés-parents épuisés : quelle politique QVT initier ?

Après les différentes vagues de confinement, le sujet de la santé mentale et du bien-être des salariés demeure central. Particulièrement celui de la parentalité, alors que la configuration du travail à distance semble se poursuivre.

Côté politique, les signaux sont également “au vert” : en octobre 2020, l’Assemblée nationale a adopté l’article du projet de budget 2021 de la Sécurité sociale prévoyant le doublement de la durée du congé deuxième parent. Une avancée sociale majeure qui invite les employeurs à revisiter leur politique autour de la parentalité : crèche d’entreprise, avantages divers, flexibilité des horaires… Quelles sont les entreprises les plus avancées sur leur démarche QVT en faveur de la parentalité ? Comment s’en inspirer ?


Confinement : un accélérateur de l’épuisement parental ?


Avant l’épisode du premier confinement, 63% des salariés-parents déclaraient être en “épuisement professionnel”. Et 73% affirmaient avoir déjà eu à gérer un problème lié à leurs enfants au travail. Plus grave, en temps normal, 5 à 8% des familles seraient touchées par le burn-out parental, selon Moïra Mikolajczak, professeure en psychologie à l’Université catholique de Louvain (1).

Ces chiffres sont en hausse depuis mars 2020.Tout d’abord, à cause des répercussions du stress sur l’équilibre de vie : 86% des salariés en France déclarent que les problèmes de santé mentale au travail ont des répercussions négatives sur leur vie personnelle. De plus, le travail à distance amoindrit les frontières entre les sphères personnelle et professionnelle, impliquant des difficultés sur la conciliation des temps de vie : 45% des salariés auraient rencontré ce type de problématiques. Pourquoi ? Seuls 45% d’entre eux peuvent s’isoler toute la journée pour travailler. Ajoutée à cela, il faut aussi noter la gestion des enfants en huis clos suite à la fermeture des écoles et la restriction des sorties.

Parentalité & entreprise : des attentes fortes bien avant la crise sanitaire


La mise en place de politiques en faveur de la parentalité n’est pas neuve. De nombreuses entreprises s’y étaient intéressées bien avant mars 2020. Leurs objectifs :

  • transformer les représentations parfois négatives de la parentalité en entreprise ;
  • instaurer un environnement favorable aux salariés-parents et aux femmes enceintes ;
  • respecter la non discrimination des salariés-parents dans leur évolution professionnelle.

Il s’agit aussi et surtout d’éviter une perte d’engagement, car les initiatives en faveur de la parentalité influent sur la rétention et l’attractivité des talents. En effet, 87% des salariés attendent de leur employeur qu’il les aide à maintenir un bon équilibre de vie pro-perso. Plus spécifiquement, six Français sur dix âgés de 18 à 24 ans revendiquent un congé de paternité plus long (2) ! Une tendance qui s’est confirmée suite à l’engouement pour la charte du “Parental act” : plus de 300 entreprises l’ont signée afin de faire bénéficier le second parent d’un mois de congé entièrement rémunéré.

Rappelons-le, en comparaison avec les pays européens, la France reste à la traîne sur le thème de la parentalité au travail.

Exemple

Si l’on regarde spécifiquement le congé second parent :

  • en Espagne, le congé de paternité est de huit semaines depuis 2019 ;
  • 70% des pères norvégiens prennent au moins trois mois de congés ;
  • quant à l’Allemagne, le second parent peut prendre un congé parental d’une durée maximale de quatorze mois, à partager avec la mère. Et les deux parents sont rémunérés 67% du salaire net, plafonné à 1800 euros par mois.


Quelles actions mettre en place en faveur des parents salariés ?


Outre le congé parental, une politique QVT en faveur de la parentalité peut comporter bien d’autres initiatives plus ou moins ambitieuses. Premier enjeu ? Répondre aux attentes des salariés. Grandes entreprises ou PME, voici quelques idées pour orienter votre réflexion :

1) La charte de la parentalité

Les entreprises qui s’intéressent au sujet de la parentalité ont, pour la plupart, signé la Charte de la Parentalité en Entreprise. Initiée en 2008 par L’Oréal, SOS Préma et Jérôme Ballarin, son objectif était d’inciter les entreprises à proposer aux salariés-parents un environnement mieux adapté aux responsabilités familiales.

Cette charte les engage à créer les conditions permettant de mieux concilier vies professionnelle et familiale. Les mesures mises en place doivent être concrètes et organisées autour de quatre catégories : l’organisation du travail, la sensibilisation des managers, les services aux salariés et le soutien financier.

2) Un congé parental sur mesure

Le “parental act” a lancé une vague d’initiatives RH en faveur du congé parental. Mais certaines grandes entreprises étaient déjà pionnières :

Exemple

  • le groupe Kering propose depuis quelques années un minimum de quatorze semaines rémunérées à 100% pour leur congé maternité, paternité, adoption ou partenaire ;
  • le Groupe AXA a annoncé dès 2017 la mise en place d’une politique parentale globale : tous les salariés dans le monde bénéficient d’un congé maternité de seize semaines et d’un congé paternité de quatre semaines entièrement rémunérées ;
  • Netflix a innové en lançant, dès 2015, une politique de congés illimités pour les nouvelles mamans et les nouveaux papas.



3) De la flexibilité dans les horaires et modes de travail

Si la durée du congé parental ou maternité et sa prise en charge s’avèrent un coût trop élevé, il est également possible d’ajuster le temps de travail. L’idée est simplement d’offrir plus de flexibilité aux salariés-parents de différentes manières.

Exemple

  • afin de permettre aux parents de limiter les temps de transports, chez BearingPoint, à partir du cinquième mois de grossesse, les femmes peuvent télétravailler jusqu’à cinq jours par semaine. Même chose à leur retour de congé maternité (hors contexte Covid-19) ;
  • Twitter offre vingt semaines de congés payés aux nouveaux parents avec garantie de salaire ;
  • Microsoft donne la possibilité aux salariées de reprendre à leur rythme un temps partiel après leur congé maternité. Elles peuvent même décider de continuer le temps partiel pendant la durée nécessaire ;
  • Vodafone offre 6 mois de travail à temps partiel au retour de congé maternité tout en conservant l’intégralité du salaire aux salariées afin d’assurer la transition en douceur.



4) Du coaching et de la formation pour les jeunes parents

Dans une optique de sensibilisation, certaines entreprises mettent à disposition de leurs salariés-parents des formations sur la parentalité, l’éducation et la conciliation des temps de vie. Concrètement ? Il s’agit de proposer une mise en relation avec des pédiatres, d’ouvrir une hotline d’aide parentale ou encore d’organiser des conférences ou ateliers.

Tous ces outils pédagogiques et d’accompagnement peuvent être disponibles en ligne comme chez Air France. Pendant le confinement, la communication interne a lancé un site de formation appelé “Je gère le confinement”. Les salariés avaient à disposition des fiches conseils QVT et des ressources variées pour leur bien-être, notamment sur le thème de l’équilibre de vie.

5) De l’aide pour la garde d’enfant

D’autres entreprises optent pour l’aménagement d’espaces spécialement conçus pour les parents au sein de leurs locaux. Les crèches d’entreprises (ou inter-entreprises pour les PME) accueillent les enfants du personnel d’un ou de plusieurs employeurs. L’Oréal par exemple a mis en place trois crèches en Ile-De-France. Il est aussi possible (et plus simple) de “sponsoriser” les places en crèche via une prise en charge de la part employeur qui permet de réserver des berceaux. Autre option : donner accès à des services de conciergerie en ligne offrant des solutions de baby-sitting ou des systèmes de garde alternatifs.

Par ailleurs, pour gérer les situations d’urgence, la prise en charge de journées de “congés pour enfant malade” est vraiment utile pour les parents car le droit du travail n’en prévoit généralement que trois par an (ou l’entreprise s’adapte à la convention collective).

6) Un accompagnement plus humain : le tandem manager-RH

Plus globalement, la qualité de vie au travail des salariés-parents dépend du mode de management établi. D’où l’importance de sensibiliser les équipes managériales aux sujets de l’équilibre et de la parentalité. En amont, il faut aussi agir au niveau des pratiques : instaurer une collaboration plus souple, fondée sur l’autonomie et la confiance. Cette transition est un changement culturel au sein de l’entreprise dont le manager de proximité est le relais essentiel.

Pour finir, les équipes RH ont bien sûr un rôle clé à jouer. En premier lieu, l’aménagement des congés parentaux et de paternité ne doit pas avoir d’impact négatif sur l’évolution professionnelle. Puis, sur l’organisation des congés eux-mêmes, il faut veiller à bien accompagner les salariés dans ces transitions de vie.

Exemple

Chez Payfit, par exemple, chaque salariée qui part en congé maternité se voit attribuer un référent RH qui coordonne le “départ” et propose de garder le lien durant le congé afin d’éviter une “déconnexion” trop forte au retour. Un entretien d’1h30 est également planifié pour faciliter l’atterrissage après son absence.

Zenly va même plus loin avec la création d’un mini-parcours d’onboarding (intégration) dédié au retour de congé maternité : mise à niveau des information, entretien RH, check-up santé, etc.


Bien d’autres initiatives existent et sont consultables dans le “Guide pratique de la parentalité en entreprise” lancé par l’Observatoire de la Qualité de Vie au Travail (OQVT).

Auteur : Laure Girardot

Sources :
(1) MIKOLAJCZAK, Moïra, ROSKAM, Isabelle. Le Burn-out parental. L’éviter et s’en sortir. éd. Odile Jacob. 2017
(2) Baromètre de la Dares, 2019




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