Bonnes pratiques juridiques  Publié le 17/12/2020

L’accord de performance collective, une alternative aux licenciements économiques

Face à la crise économique qui s’annonce, les entreprises cherchent à assurer leur survie tout en évitant les licenciements économiques. À cette fin, l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 a créé un dispositif juridique défini par l’article L. 2254-2 de Code du travail : l’accord de performance collective (APC).

L’APC est un accord collectif négocié, qui permet à l’entreprise de « restructurer » son organisation en modifiant les contrats de travail individuels des salariés afin de répondre aux nécessités de son fonctionnement, ou pour préserver ou développer l’emploi. Comment cet accord est il mis en place ? Que contient-il ? Quel est son impact sur les salariés ?

Quelles sont les conditions de mise en place de l’accord de performance collective ?


Un accord de performance collective peut être négocié même si l’entreprise n’est pas confrontée à des difficultés économiques conjoncturelles : l’objectif de cet accord est de permettre à l’entreprise d’adapter ses ressources humaines aux réalités de son activité.

1) En présence de représentation syndicale dans l’entreprise

En présence de représentation syndicale dans l’entreprise, la conclusion d’un accord de performance collective répond aux règles de négociation d’un accord d’entreprise ou d’établissement.

Pour être valide, l’accord doit être élaboré, approuvé et signé par l’employeur et les organisations syndicales ayant obtenu 50 % des suffrages au premier tour des dernières élections professionnelles en faveur des organisations syndicales représentatives. À défaut, l’accord doit être signé avec les organisations syndicales ayant obtenu 30 % des suffrages puis validé par les salariés à la majorité des suffrages par référendum.

2) En l’absence de représentation syndicale dans l’entreprise

En l’absence de représentation syndicale dans l’entreprise, l’accord n’est valide que s’il est approuvé à la majorité des deux tiers du personnel. Cependant, les modalités de négociation de l’accord diffèrent selon l’effectif de l’entreprise :

  • dans les entreprises dont l’effectif est inférieur à 11 salariés, ou compris entre 11 et 20 salariés en l’absence de CSE, l’employeur rédige un projet d’accord qu’il soumet à la consultation du personnel. Cette consultation doit être organisée à l’issue d’un délai minimum de 15 jours à compter de la communication du projet d’accord à chaque salarié.

  • dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 49 salariés, la négociation peut être engagée, au choix, soit avec un ou plusieurs salariés mandatés par un syndicat représentatif au niveau de la branche ou au niveau national et interprofessionnel, soit avec un ou des membres titulaires au CSE.

  • dans les entreprises dont l’effectif est au moins égal à 50 salariés, la négociation peut être engagée avec un ou des membres du comité social et économique (CSE) expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales de la branche de l’entreprise ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel.

L’accord de performance collective est ensuite déposé en ligne sur la plateforme mise en place par le ministère du travail, mais ses dispositions ne sont pas rendues publiques en raison des informations confidentielles qu’il peut contenir.

Notez-le

L’accord de performance collective peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée, selon la volonté des parties à la négociation. À défaut de précision quant à la durée de l’accord, cette dernière est fixée à 5 ans.
L’accord cesse de produire ses effets lorsqu’il arrive à expiration.


Quel est le contenu de l’accord de performance collective ?


L’accord de performance collective permet à un employeur de réduire ses coûts ou de rendre son organisation plus flexible en modifiant notamment la rémunération et la durée du travail de ses salariés.

Comme tout accord collectif, l’accord de performance collective comporte un préambule qui précise les objectifs de l’accord, c’est-à-dire la raison et le but des dispositions qu’il contient. Ces objectifs seront bien sûr liés à l’objet de l’accord, à savoir répondre aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise, préserver ou développer l’emploi.

L’accord doit ensuite aborder les différends éléments qui permettront d’atteindre les objectifs fixés en préambule, et notamment :

  • l’aménagement de la durée du travail, de ses modalités d’organisation et de répartition : l’accord peut augmenter ou diminuer le temps de travail, réduire la majoration des heures supplémentaires jusqu’à 10 % au minimum, augmenter le plafond des heures travaillées, supprimer ou diminuer le nombre de jours de congés conventionnels (sans pouvoir impacter les 5 semaines légales), proposer une nouvelle répartition des heures de travail, des repos, des congés payés, des pauses, du travail de nuit, du temps partiel, etc.

  • l’aménagement de la rémunération dans le respect des salaires minima hiérarchiques : l’accord peut réduire la rémunération (sous réserve du respect du SMIC et des minima conventionnels hiérarchiques fixés par la branche professionnelle), supprimer une prime, une indemnité forfaitaire, voire le 13ème mois.

  • la détermination des conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise, même si le contrat de travail ne prévoit aucune clause de mobilité ;

  • les modalités d’information des salariés sur l’application et le suivi de l’accord pendant toute sa durée ;

  • les modalités d’accompagnement des salariés ;

  • les modalités de conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée et familiales des salariés, notamment en ce qui concerne la durée de travail et la mobilité.


Quel est l’impact de l’accord de performance collective sur les salariés ?


L’employeur doit informer les salariés, par tout moyen conférant date certaine et précise (LRAR, lettre remise en mains propres contre décharge, etc.), de l’existence et du contenu de l’accord, ainsi que du droit de chacun d’eux d’accepter ou de refuser l’application de cet accord à son contrat de travail.

Notez-le

Les salariés disposent d’un délai de 1 mois pour faire connaître à l’employeur leur accord ou leur refus par écrit , à compter de la date à laquelle ils ont été informés du contenu de l’accord.


Si le salarié accepte l’application de l’accord, ses dispositions se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles de son contrat de travail, y compris en matière de rémunération (sous réserve du respect des salaires minima hiérarchiques), de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Si le salarié refuse l’application de l’accord, l’employeur dispose d’un délai de 2 mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager à son encontre une procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse. Ce licenciement est présumé justifié, sans contestation possible devant les tribunaux, et la législation protectrice sur les licenciements économiques est inapplicable.

En conclusion, si l’accord de performance collective peut apparaître aux entreprises comme une solution séduisante pour affronter une conjoncture économique difficile, sa négociation n’est pas aisée et les efforts demandés aux salariés risquent d’être difficilement acceptés et compris, créant de fait une tension sociale forte. C’est pourquoi, il est recommandé de le négocier dans les conditions les plus équitables compte tenu de son lourd impact sur les salariés et le climat social de l’entreprise.


Auteur : Laurence Ruaux, juriste en droit social




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